Un rituel indigène : le party de noël

Maintenant que l’université est comme une ville morte, délaissée par ses étudiants rentrés chez eux pour manger la dinde et la bûche, maintenant que je peux savourer un peu de tranquillité dans ma maison alors qu’il neige dehors, je vais vous parler des traditions de la vie de bureau québécoise, autrement dit, les « party de noël ».
Les party de noël s’inscrivent dans le groupe « party de bureau » et réunissent les collègues de travail. Dans notre cas, c’est la chaire de recherche en ethnologie des francophones d’Amérique du Nord de l’Université Laval.
Célia et Louise, les coordinatrices de projet, ont élaboré un scénario pour la fête. Car l’échange de cadeaux, privé comme au bureau, veut qu’un scénario soit élaboré.
Chacun apporte une bouffe (en français, à manger) à partager mais il ne doit pas y avoir de reste ou alors, on repart avec. Pour l’échange de cadeau, rituel phare du party, il faut prévoir 2 cadeaux : l’un est un cadeau « normal » d’une valeur maximale de 10$ et de couleur verte, l’autre est un cadeau « débarras », quétaine de préférence -traduisez : un truc nul et/ou moche qui est chez vous et dont vous souhaitez vous débarrasser-. Tous les cadeaux sont emballés, c’est important pour le suspense.
J’avais trouvé, dans un magasin genre Emmaus, une peluche plutôt très moche et très verte. Comme cadeau normal, j’avais magasiné une paire de gants pour nettoyer les légumes -verte évidemment- que je pensais très pratique. J’ai juste fait un bide avec et je pense que çà fera un cadeau quétaine à la première occasion !

L’échange de cadeaux s’est fait en deux temps. Nous avons commencé par le cadeau quétaine, mais les échanges se sont passés de façon identique. Voici comment l’on fait :

Tout d’abord, en arrivant, chacun pose ses cadeaux sous le micro sapin qui clignote, à gauche le cadeau quétaine, à droite le normal. Dans un gobelet de café en styromousse -un gobelet en carton aurait fait aussi bien l’affaire-, on dépose des bouts de papier sur lesquels sont écrits les noms des participants. Normalement, c’est le ou la plus jeune qui tire au sort les étiquettes, mais j’ai assisté à une variante : chacun a tiré une étiquette. La personne dont le nom est tiré au sort choisit un cadeau sous l’arbre. Elle le déballe et vous imaginez les commentaires et les rigolades sur le « quétaine » du cadeau. On tire de nouveau un nom au sort et la personne suivante a alors le choix soit de « voler » le cadeau déballé, soit d’en prendre un sous l’arbre. Et ainsi de suite. Dans le cas du vol, c’est la personne volée qui va chercher un nouveau cadeau. Il y a eu des vols épiques !
J’ai hérité d’une magnifique boite à cornichons. Du vrai quétaine, je ne me le suis pas fait voler ! Et je l’ai reconverti en étui pour mes lunettes. Avec çà, je suis presque sûre de ne pas perdre mes lunettes, ou qu’on les confonde avec celles de quelqu’un d’autre !

La soirée s’est poursuivie avec un quizz musical où mon équipe s’est retrouvée en deuxième position, mais pas grâce à moi ! Puis dans l’échange de cadeaux « normaux », j’ai fait mon bide gants à légumes. En même temps, il y a eu au moins quatre paquets de thé vert, ce qui n’est pas d’une immense originalité. Sans risque, certes, mais pas original, çà non !
Nous devions aller à plusieurs faire un bœuf trad en ville -il y avait un violoniste et deux guitaristes-, et j’étais sensée venir avec mon accordéon. Mais j’avais eu une journée de dingue et j’avais laissé mon instrument à la maison : 8kg de matos de tournage dans le sac à dos plus mon cartable contenant les 12 communications des présentations de mes collègues doctorants, je dois avouer que je n’avais plus de dos ni de bras pour l’accordéon… sans compter les 15cm de neige dehors ! Bref, le jam n’a pas eu lieu.
L’alcool étant normalement interdit sur le lieu de travail, nous avons soigneusement évacué tous les cadavres de bouteilles de vin et de bière avant de se quitter vers 23h.